La face cachée du Soufisme (4/4)

Bon nombre de savants condamnèrent el Ghazâlî comme el Mâzirî, ibn el ‘Arabî, el Qâdhî ‘Iyâdh, e-Tartûshî, et Qâdhî el Jamâ’a Mohammed el Qurtubî. ibn el ‘Arabî  confie notamment : « Notre Sheïkh Abû Hâmid a dévoré la philosophie mais il n’a pas réussi à la vomir lorsqu’il a voulu le faire. » Voir : Siar A’lam e-Nubala d’e-Dhahabî (19/327).

Voir : Kashf Zaïf e-Tasawwaf wa bayân Haqîqatihî wa Hâl Hamlatihî de Sheïkh Rabî’ ibn Hâdî el Madkhalî.

El Ghazâlî

El Mâzirî rapporte selon l’un des amis proches d’el Ghazâlî, que ce dernier s’est penché sur les textes d’Ikhwân e-Safa composés par ibn Sîna et qui comptent cinquante petits ouvrages.[1] Dans le domaine du soufisme, il s’est inspiré d’Abû Hayyân e-Tawhîdî. Ces deux apports ont laissé des traces à la fois sur la philosophie qu’il a dévorée et sur sa tendance soufie.  E-Dhahabî souligne à ce sujet : « Abû el Faraj Ibn el Jawzî a dit : « Abû Hâmid el Ghazâlî composa el Ihya qui est truffé de Hadithsinventés mais son auteur ignorait qu’il en était ainsi. Il traite notamment de la Mukâshafa sans respecter les principes du Figh traditionnel. Il assume entre autre que le soleil, la lune et les étoiles dont l’histoire d’Ibrahim (r) fait mention, représentent des lumières qui en fait sont le voile du Très-Haut ; il n’y est donc pas question, un peu à la manière Bâtinite (ésotérique), des astres auxquels on pense au premier abord. » Ibn el Jawzî s’attaque à la pensée d’Abû Hâmid qu’il relate dans el Ihyaet il expose ses erreurs dans un livre épais de plusieurs volumes et auquel il donna le titre d’el Ahya. »[2]

Ibn Kathîr explique également : « Abû el Faraj ibn el Jawzî l’a sévèrement condamné, précédé qu’il fut d’ibn e-Salâh qui lui asséna également maintes critiques. El Mâzirî voulut même brûler son œuvre Ihya ‘Ulûm e-Dîn tout comme d’autres savants maghrébins qui se plaisaient à dire –comme je l’ai relaté au cours de sa biographie dans e-Tabaqât– : « Ce livre revivifie sa religion. Quant à notre religion, seuls le Coran et la Sunna sont à même de la revivifier. » Ibn Shukr a démoli certains passages d’Ihya ‘Ulûm e-Dîn à travers un ouvrage très intéressant. El Ghazâlî avouait lui-même : « Mon bagage est très léger dans les sciences du Hadith. » Il aurait à la fin de sa vie penché vers le Hadith et donnait une attention toute particulière aux recueils e-Sahîhd’el Bukhârî et de Muslim. Ibn el Jawzî est l’auteur d’une réfutation contre el Ihya qu’il intitula ‘Ulûm el Ahya bi Aghâlît el Ihya, et dans lequel il déclare notamment : « Certains vizirs lui imposèrent de se rendre à Nîsâbûr où il enseigna à la Madrasa Nidhâmiya. Puis, il revint à Tûs sa ville natale, où il se fit construire unRibât(pour ses retraites spirituelles ndt.) et une belle maison entourée d’un jardin magnifique. Il se consacra à la lecture du Coran et à l’apprentissage des Hadithsdes recueils e-Sahîh. Il mourut le lundi quatorze de Jumâdâ el Âkhira de la même année. Ses funérailles se déroulèrent à Tûs –qu’Allah lui fasse miséricorde –. Durant son agonie, l’un de ses amis lui demanda : « Fais-moi une recommandation !

–          Soit sincère lança-t-il à plusieurs reprises jusqu’au moment de mourir. »

Voici un passage d’Ihya ‘Ulûm e-Dîn dans lequel l’auteur établit la doctrine du monisme : « Si tu dis : Comment peut-on seulement contempler l’ « un » au moment où les yeux portent sur la terre, le ciel, et tous les corps sensibles pourtant si nombreux ? Comment la multitude peut-elle être à la fois un ? Saches alors que la réponse est le comble du dévoilement et des subtilités du savoir qu’il est interdit d’exprimer par écrit. Les « initiés » disent : « Divulguer les mystères du divin relève de la mécréance. » En outre, cette science n’a aucun lien avec celle des relations traditionnelles. Il est certes possible de rapprocher les sens à ton entendement. Vue sous un certain angle en effet, une matière peut être composée d’éléments multiples mais vue sous un autre angle, celle-ci est unique. Il en est ainsi pour l’être humain qui est composé d’éléments multiples, si l’on considère qu’il a une âme, un corps, des membres, des veines, des os, et des entrailles. Cependant, d’un autre point de vue, il est considéré en tant qu’être humain comme une seule personne.

Combien y a-t-il d’individus auxquels il ne vient pas à l’esprit au voyant quelqu’un au premier abord, les détails de sa composition ? On est absorbé par le regard d’une entité compacte qui en formant un tout, ne permet plus de distinguer entre l’unité et la multitude. Dans l’existence également, en contemplant le Créateur et Sa création sous une certaine considération, on découvre des manifestations nombreuses et variées. D’un certain point de vue, ces manifestations composent une unité mais d’un autre point de vue, il existe une multitude de matières en dehors de cette unité ; certaines d’entre elles étant plus divisibles que d’autres. Si l’exemple de l’être humains que nous avons donné ne rend pas la chose dans sa totalité, il peut tout-au-moins rapproché grossièrement sa compréhension à l’entendement. Il nous explique par quel procédé le multiple devient un. Ainsi, à travers ce discours, il n’est pertinent de contredire une vérité à laquelle on n’a pas encore atteint le degré de dévoilement. Il faut à ton niveau tout simplement y croire pour espérer avoir une part de cette unicité, bien que tu ne puisses la matérialiser en toi. C’est comme le fait de croire à la prophétie, cela ne fais pas de toi un prophète, mais tu peux en avoir une part plus ou moins intense en fonction du degré de conviction que tu décèles en toi. Cette manifestation de l’Unique dans les éléments est rarement permanente mais dans la plupart des cas, elle est aussi fulgurante qu’un éclair. »[3]

Traduit par :

Karim ZENTICI   

      

[1] Siar A’lam e-Nubalad’e-Dhahabî (19/327).

[2] Idem. (19-342).

[3] Ihya ‘Ulûm e-Dîn (4/306-307).

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